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Analyses2

L'évaluation: quatre jours déjà, on attend la fumée blanche

Blaise Sary, 14.06.05

Là haut, sur la colline « non inspirée » de Ngaliema se tient la réunion, ou plutôt, l'évaluation de la transition. Conformément au vœu de Jos, les ministres et leurs chefs de file scrutent les dessous des cartes et cherchent à dénicher les couacs qui obstruent leur ligne droite vers la fin de la transition. La rumeur exhumée par le quotidien, Lepotentiel, laissait croire qu'il n'y aura pas de fumée blanche. Les Chefs des composantes et entités ont pris la résolution tacite de se garder de jeter l'huile sur le feu. Ils préservent ainsi les unités des troupes qu'ils dirigent. Un autre bruit laisse entendre que la Société civile travaille plus ou moins. Elle a déjà déposé son bilan. Quelques têtes sont visées. De même, le patron de RCD/N, Roger semble décider d'en découdre avec les récalcitrants. Ils doivent, dit-il, s'en prendre à eux-mêmes, pour avoir nié son autorité. Mais de qui parlent-ils ? Des dissidents ou des récalcitrants ?

Cette manière d'aborder les virages en disqualifiant les « amis » nous semble rentrer dans la logique de bras de fer. Elle pose une série des questions. L'évaluation, est-ce une manière de se débarrasser des « mauvais élèves de la transition ? Qui sont-ils ? Les ministres ? Et pourquoi pas les autres animateurs ? Ils sont nombreux, tant au niveau central qu'à celui régional. Ils sont également dans les entités para étatiques. Les mauvais élèves sont aussi dans des cabinets, jusqu'au niveau de l'espace présidentiel et de la justice. Si la fumée blanche signifie laver plus blanc, alors, Jos doit être conséquent avec lui-même ; il doit inscrire sa logique dans son mot de circonstance : donner une nouvelle impulsion à l'action gouvernementale et à celle des autres animateurs de la transition.

Mais comme nous le disions, il ne faut pas s'attendre à ce grand chambardement. Les travaux semblent aller dans le sens d'une réponse du berger à sa bergère. Si, Kabila veut réellement la nouvelle impulsion, elle doit aller en profondeur et toucher tous les rangs des caciques du régime. Ceci veut dire que les retouches du "pacte de non agression", appelons ainsi l'accord global de Sun City, sont plus que utiles. Or, à lire les grimaces sur les figures, il nous semble que ces retouches relèvent de notre seule imagination. On s'approche réellement des élections. Les composantes ont besoin de resserrer les rangs, de rassembler les oies et de marcher mains dans les mains pour éviter de trébucher. Jos se trouve plus ou moins isolé dans sa démarche de nettoyer proprement. Mais, il peut de toutes les manières se dire qu'il a réussi aussi son pari : celui de dire un jour que les échecs de demain et d'hier ne sont pas à mettre sur son dos. Il a demandé d'évaluer, les autres ont fait grise mine. Ils ont tout simplement énuméré les actions à venir, sans toucher à la méthode de travail, ni bouger les pions. Donc, ils endossent tous les responsabilités. Bonne thèse de campagne pour Jos. Mais cette thèse constitue aussi un piège. Parce que Jos est l'animateur essentiel de la transition. Il dispose des prérogatives de conduire la politique du gouvernement, peut-il dès lors jeter l'opprobre sur les têtes des autres ? La sécurité à l'Ets, la sécurité urbaine, la paie des soldats et du personnel de la fonction publique, la précarité sociale, la corruption, la réconciliation nationale, la mauvaise gestion des entreprises, le mauvais état des finances publiques, la lenteur dans l'unification du territoire et de l'armée, la tenue du référendum, la vulgarisation du projet de la constitution, etc., autant des couacs qui nécessitent tout de même un petit ballet. Comment s'y prendre? Avec quels moyens financiers ? Avec quelles ressources humaines ?

En tout cas, plus qu'un simple exercice de rhétorique, il y a à évaluer. Sauf si la bonne volonté fait défaut.



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Evaluation de la transition: levera-t-on plus propre?



Blaise Sary Ngoy

Depuis son mot de présentation du projet de constitution de la IIIè République, Joseph semble piqué par une bonne mouche. Il a envie de savoir, afin, ce qui se passe de l'autre coté du pouvoir. La lecture que nous faisons de ce discours, c'est celle-ci : ou Jospeh connaît se qui se passe, ou il ne connaît pas. S'il connaît, alors, il a voulu se protéger contre les caciques des composantes, en s'approchant de l'opinion qui veut que les animateurs de la transition s'auto évaluent. Elle, l'opinion, elle a déjà tiré ses conclusions. Pour les uns, tout va bien. Pour les autres, la formule était, un montre à plusieurs têtes. Car, la transition présente beaucoup de couacs ! S'il ne connaît pas, alors, il a été très distrait, voulant laisser chaque composante diriger ses affaires, sans aucune ingérence. Car, on se souviendra de Kudura, disait, suite à une longue attente de remaniement du gouvernement que : « vous aurez bientôt le gouvernement des gouvernements». C'est vrai ? Il y a dans des pouvoirs qui s'inscrivent dans le pouvoir global et inclusif? Jospeh a-t-il eu raison de se tenir ainsi à l'égard des choses vraiment? On sait qu'il dirige les réunions du conseil des ministres. Il est aussi le chef de l'exécutif. Dès lors, réunir , durant deux à trois jours, le gouvernement, pour passer en revue le passé et scruter l'avenir, est-ce faire le bilan qu'on a jamais fait? S'il pense passer par cette voie pour aider les autres à l'auto inspection, alors, il est possible qu'il se dédouane. Si non, l'opération ressemble soit un clin d'œil vers le public pour le calmer, soit vers l'extérieur pour dire : nous sommes sur la bonne voie. Les choses marchent selon nos prévisions. Or, sur ce plan, l'extérieur a déjà excusé le retard, car, il était déjà prévu par l'accord global et inclusif. Dès lors, comment interpréter le vœu de Joseph ? A-t-il besoin de faire bouger les choses, de procéder au remaniement du gouvernement ? de laver plus propres autour des institutions? Toutes? Si c'est au niveau de l'exécutif, cette institution ne cumule pas, elle seule, tous les maux dont souffre la transition. Le parlement l'accuse, de temps en temps. Mais elle se défend aussi en renvoyant la balle dans le camps des autres. Dans le discours, Kabila a dit que les préparatifs pour la tenue des élections n'étaient pas une affaire du gouvernement. Malu Malu a répondu à cette critique en signifiant qu'il ne disposait pas de moyens financiers suffisants. Et la sécurité ? Et-ce l'affaire du parlement ? de l'armée seule, de la Monuc ? des milices ? Là aussi, le couac pend toujours. A qui revient la charge ? Les uns disent que c'est Ruberwa ? Celui-ci répond qu'il y a des services parallèles qui court-circuiter ses efforts. L'armée dit aussi qu'il ne dispose pas d'assez de ressources. Mais, le gros de moyens se volatilise dans la paie des agents fictifs. Les régions de l'Ets restent encore en proie à des attaques des milices. Et qui soutient ces milices ? Les avis sont partagés. Les puissances étrangères, les Etats voisins, le pouvoir de Kinshasa, les multinationales minières, les replis identitaires, etc., voilà des causes réelles. Ajoutons aussi l'absence de l'autorité légitime. Le manque de volonté d'en découdre avec les chefs rebelles, souvent cajolés par Kinshasa pour des raisons dites « secret d'Etat » ! Et le bien être social ? L'état des hôpitaux, l'insertion sociale des « démunis » ? La paie des enseignants, les routes de désertes agricoles, la sécurité dans les quartiers, l'aménagement urbain. Pourquoi ce secteur est à la traîne ? Et-ce la faute aux autres ? Pourquoi avoir mille et un ministres qui s'occupent un peu de tout et de rien ? Et la gestion de la chose publique ? Les entreprises ? La corruption au haut niveau ? La territoriale non unifiée complètement ? A qui revient l'évaluation ? Plus d'une fois, il y a des audits organisés. Les résultats sont connus : les entreprises sont très mal gérées. La territoriale n'est pas encore totalement unifiée. Les lois conduisant vers les élections ne sont pas totalement votées. Le discours de Kabila était déjà inscrit dans la perspective d'une totale satisfaction. Aujours'hui, parler d'évaluer sans toucher au contenu des accords signifie quoi exactement ? Par ailleurs, sommes-nous au premier exercice ? A ce que nous sachions, lors Ruberwa demanda de s'arrêter pour évaluer, le ministre de l'information avait répondu, à l'époque, que le gouvernement évalue régulièrement ses actions. Lorsque la rue avait fait bougé Kinshasa, suite à la première annonce du report des élections, le parlement et le sénat avaient aussi tenu un séminaire pour évaluer une nouvelle feuille de route de la transition. Kabila lui-même a déjà, plus d'une fois présenter ses feuilles de route à des occasions diverses. Comment expliquer l'amnésie actuelle ? De la rencontre initiée ce mercredi, sortiront des propositions ou des récits de l'auto satisfaction. Kabila sait qu'il dispose d'une marche étroite pour faire sauter les verrous des composantes. Il sait que les discussions pour les désignations des animateurs des entreprises, de la territoriale piétinent. Il sait que les militaires de la division spéciale présidentielle ont une gâchette facile dans les rues de Kinshasa. Il sait les Interhamwe ne sont pas partis. Ils se font entendre encore dans l'Ets du pays. Ils tuent et pillent. Kabila sait aussi que les médecins, les enseignants, les fonctionnaires de l'Etat, sont descendus plus d'une fois dans les rues pour revendiquer. Kabila sait aussi que tout le monde a peur des élections. Kabila sait aussi qu'il ne peut pas toucher au mandat des « honorables députés ». Il sait aussi qu'il ne peut pas demander à Ngoma de partir. Il sait aussi que certains vice-présidents tuent le temps à recevoir et à inaugurer les chrysanthèmes, tant que les accords les protègent.

Que attendre de cette énième évaluation ? Si non, qu'elle est attendue de tous. Mais la suite, on l'ignore. On pense qu'elle va prendre les couleurs des autres déclarations politiques : « nous sommes sur la bonne voie»

Blaise Sary Ngoy


08/06/2005.

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Karel De Gucht à Ramazani Baya : une diplomatie de "oui mais"

par Blaise Sary Ngoy

Hier, lundi, 23 mai, M Ramzani Baya, le ministre congolais des affaires étrangères s'est entretenu avec son homologue belge, M Karel De Gucht, durant 1h 30 à Bruxelles. Ce n'est pas la première fois que Ramazani rend visite à Karel. L'année dernière, alors qu'il revenait du Japon, il avait fait escale dans la capitale belge. Cette fois c'est la deuxième. Les circonstances des ces missions restent  presque analogues. En fait, c'est à chaque occasion que le ciel des relations entre les deux pays est brouillé que Ramazani décide de recourir à son ballet pour essuyer les goûtes des pluies. Mais, aussitôt qu'il tourne le dos, le ciel se recouvre à nouveau d'un nuage qui ne tombe pas, mais qui plane et menace.

La première mission répondait aux souhaits de voir les bonnes relations s'établir entre les deux pays, le lendemain d'un camouflet diplomatique infligé par Kabila à Karel. Qu'on se souvienne, le président du Congo, touché dans son amour propre  était très marqué et profondément humilié par Karel, qui l'avait traité, lui et ses ministres de peu crédibles. En réponse,  lors de la réunion tenue à Adis Abeba, dans le cadre de l'Union africaine, Kabila, avait refusé de rencontrer Karel, prétextant que son agenda  ne prévoyait pas une rencontre avec le ministre belge. Une réponse du berger à la bergère ? Car, Karel, lors de sa première visite à Kinshasa, avait tenu aussi les propos peu diplomatiques à l'encontre des dirigeants congolais qualifiés d'irresponsables. Ce langage peu habituel tenu à Kigali avait choqué plus d'un dirigeant congolais, d'autant plus que Karel se félicitait au même moment de la bonne gouvernance de Kagame qu'il semble admirer.  Obligé de s'expliquer, Karel n'y était pas allé par les quatre chemins. Avant même son retour à Bruxelles (dans son avion vers l'Afrique du Sud), il avait réitéré ces mêmes propos à la presse. Il les a redits devant les politiques belges et a continué à exprimer beaucoup de doute quant à la réussite de la transition. La constitution n'était pas encore votée. Les soldes des militaires sont impayés. Leur unification tarde. Le territoire n'est pas non plus unifié. L'économie et le social sont marqués par la corruption au sommet ! Autant des griefs formulés par Karel. Griefs qui trouvent par ailleurs un écho analogue dans l'opinion des observateurs congolais et étrangers qui côtoient les dirigeants. Sensibles à de bonnes relations entre les deux pays, Ramazani avait invité, ainsi Karel à Kinshasa, lors de sa première visite, espérant lever le quiproquo que les diplomates appellent en termes polis, le malentendu. Les choses ont traîné en longueur. A la place de Karel, vivement attendu par le clan Kabila, deux autres ministres belges : De Decker et Dominique Simonet se sont rendus à Kinshasa. Non seulement, ils sont mis à profit leur séjour pour signer un certain nombre des contrats avec le gouvernement congolais, (gestion des ports et dons des livres), mais aussi, ils sont tenus à prendre distance vis-à-vis du chef de la diplomatie belge, le critiquant ouvertement et soulignant la malveillance de ses propos ainsi que son ignorance du terrain congolais. Comme Louis Michel, les deux ministres ont enfoncé le clou, considérant que la corruption n'était pas le propre des Congolais. Elle est visible en Afrique, et ne constitue pas un cas unique au Congo. Dès lors, la mini crise que Ramazani entendait dissiper, s'était cristallisée, empruntant les détours des chemins d'une autre crise belgo belge qui oppose Wallons et Flamands ! Nombreux observateurs congolais avaient noté qu'il y avait deux grilles de lecture de la situation congolaise en Belgique. Les Wallons ont des lunettes affairistes, ils jugent peu, et s'intéressent à l'odeur de la poudre, aux bois, aux mines, au ciment et au diamant. Les Flamands s'intéressent par contre à l'après transition. Ils s'inquiètent de l'avenir et craignent les lourdes conséquences futures dues à l'irresponsabilité de ceux qui prétendent conduire la transition, mais en fait, qui se soucient plus de leurs quotidiens que du futur de toute une nation. C'est dans ce climat belgo belge que De Gucht a fini par se rendre à Kinshasa, au début de l'année. Là encore, il n'a pas tardé de renvoyer la pièce de la monnaie dans les figures des dirigeants congolais et de leurs mentors wallons. Il a redit ce qu'il avait dit la première fois. Il ne l'a pas caché. Car c'était devant une tribune officielle. Pas donc de discours tribunitien, mais un langage de franchise. Je n'aime pas l'hypocrisie qui consiste à dire « oui oui » devant les gens, et à les insulter par la suite dans le dos. Voilà qui s'appelle : hard diplomacy. Le « oui  je t'aime mais ». Les Congolais ont laissé le temps couler. Leurs réactions chaudes ont fini par s'apaiser. L'ambassadeur Mutamba qui était rappelé à Kinshasa a fini par retrouver son fauteuil sur Marie de Bourgogne. Mais Karel est resté très septique. Sans tourner le dos, il a continué à surveiller le Congo de près. Son dernier acte a été la visite à Condolezza Rice. Les deux se sont entretenu au mois d'Avril et ont épousé les mêmes points de vue. On peut les résumer : il n'existe pas d'Etat au Congo. L'armée constitue une poudrière. Les efforts conjugués par la communauté internationale peuvent s'avérer nuls si l'on ne tient pas à l'œil les responsables de la transition pour qu'ils l'amènent à bien. Tout peu basculer  si l'armée n'est pas unifiée. L'après élection risque d'être comme l'avant élection. Conclusion : on surveille la situation. Cette visite a jeté de l'huile sur le feu. Elle a eu mille et une interprétations. Pour l'opposition congolaise, c'était un visa lui accordé. Pour les Wallons, c'était une erreur de plus. Pour les dirigeants de la transition, c'était une énième menace. Une critique de trop et qui réduit les relations amicales que le Congo tient à garder avec les Etats-Unis. Louis Michel, bien qu'il ne soit plus aux affaires belgo belges, s'est rendu à Kinshasa pour rassurer Kabila et ses ministres. Il a visité l'intérieur. Une manière de dire que tout va bien. L'union européenne  prend en charge les dépenses de l'unification. Les signaux de Karel sont donc exagérés. Mais, voilà, ce geste politique de Michel, plein de signification a été démenti par les troubles qui ont lieu à Mbuji Mayi, par la rumeur d'une sécession katangaise que Kabila aurait réussi à étouffer dans l'œuf avec l'aide de son général Numbi et par une autre menace qui couve : le 30 juin, fin de la transition. Les propos de Karel paraissent prémonitoires ?  C'est le cas de le dire. Les Kinois vivent avec. Et par prudence, Il fallait activer la diplomatie de «  bon amis ». Voila le motif de la mission de Ramazani. Pour le Congo, tant que la diplomatie belge a réussi à convaincre les américains de l'irresponsabilité et de peu de crédit de la part des dirigeants de la transition, il était temps de s'expliquer à Bruxelles. Non, nous ne sommes pas irresponsables, a dit Ramazani devant l'opinion publique belge. Nous sommes sur la bonne voie. Pour la première fois, les Congolais sont proches d'élire les dirigeants librement. Donnez-nous un peu de confiance. Oubliez les bruits et les rumeurs.

En réponse, Karel a rassuré son interlocuteur. Il a lancé un appel au calme en direction de l'opposition congolaise. Mais ce geste est-il purement diplomatique, symbolique ou sincère ? Peut-on y voir la paix des braves ? Un peu de patience.  Deux jours avant la visite de Ramazani, Karel a répété  à l'attention des députés belges ses critiques. «  Il n'existe pas d'Etat au Congo. Il y a un Etat raté!». Dès lors, peut-on penser qu'il a enterré sa hache de guerre ? Non. Il sait qu'il n'y a pas de répondants politiques au Congo. Il fonde son espoir dans les élections. Il pense que ce serait le chemin de la prospérité. Mais, comme il l'a déjà dit : rien n'empêche que cet après élection ressemble à l'avant élection. Son attitude actuelle n'est qu'une manière de dire : faisons comme tout le monde, confions-nous aux déclarations de tous.  Allons jusqu'au bout de l'affaire. Mais qui en sera la dinde ?

Blaise  Sary Ngoy, 24 mai 2005

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Le nouveau partenariat sino-africain : mirages et réalité

L'Afrique vit une phase très agitée à l'ère de la mondialisation. Elle accuse un écart pathétique en matière de la croissance et du développement. Plusieurs causes sont données pour être à la base de cet écart, si pas ce retard. Les économistes refusent ce terme. Pour se leurrer, ils préfèrent dire : autre développement. En dépit de ce détour intelligent, le monde sait que l'Afrique se sous développe autrement! La coopération tous azimuts s'active à ce sujet. Toutes les puissances industrielles semblent se mettre à pas en vue de venir au chevet de ce malade de tous les maux : mauvaise gestion des sociétés, corruption politique, guerre ethnique, décomposition des Etats, déperdition des mœurs, chômage,etc. Quels avantages apportent ces nouveaux partenariats ? C'est à cette question que cette analyse tente de trouver les pistes des réponses, notamment en ce qui concerne le partenariat avec la Chine qui s'éveille.

I. Les partenariats avec l'Afrique ont du vent en poupe

1.Ces dernières années, les sommets des chefs d'Etat sur l'Afrique se succèdent à un rythme qui ne peut laisser l'intellectuel indifférent. L'année 2005 est proclamée « année de l'Afrique » par la communauté internationale. La semaine qui s'écoule, l'Egypte a abrité le sommet de NEPAD. Ce programme initié par les Africains avec l'aide des Etats-Unis vise, notamment la bonne gouvernance et un nouveau partenariat international qui modifie le rapport inéquitable entre l'Afrique et les pays industrialisés. Il (programme) est le contrepoids des ambitions que la Francophonie s'est donnée dans sa politique de barrage contre l'hégémonie anglo-saxonne. En même temps que se tient ce sommet, un autre a ouvert ses portes à Jakarta (Indonésie) en vue de redynamiser l'esprit de Bandung (1955) basé sur le triptyque "Amitié, Solidarité et Coopération", dans la perspective de la mise en place d'un Nouveau partenariat stratégique Afrique-Asie. Au mois de juin, le sommet Etats-Unis -Afrique se tiendra aussi à Baltimore (Maryland). S'inscrivant dans le cadre de l'AGOA (Africa Growth and Opportunity Act ) qui est à sa phase II ; le forum réunira plusieurs participants américains et africains (les chefs d'Etat y compris) autour de plusieurs ateliers allant du commerce au développement. Ce n'est pas tout. Le Japon fait également des yeux doux aux Africains. En 1993, la Tokyo International Conference For African Development (TIGAD) a été inaugurée. Aujourd'hui ces réunions se tiennent annuellement. L'union européenne n'a pas non plus lâché ses anciens protégés. Se conformant à l'esprit de l'OIM, la nouvelle convention dite de Cotonou aménage tout de même le partenariat avec les ACP et maintient les préférences tarifaires jusque au 31 décembre 2007. À partir de 2008, elles seront remplacées par des accords de partenariat économique (APE) réciproques ou par d'autres arrangements commerciaux négociés à partir de septembre 2002. Ces accords doivent être compatibles avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ils incluront des dispositions prévoyant une coopération et une aide dans des domaines autres que le commerce (ajustement structurel, etc.). Tous les pays ACP sont invités à les signer en tant que groupe ou à titre individuel, en tenant compte de leur propre processus d'intégration régionale. La Chine, le nouveau partenaire qui retient notre attention ici, a également inauguré le renforcement des liens avec l'Afrique depuis la création du forum annuel sino-africain en octobre 2000. Les objectifs visés sont traduits dans la déclaration de son ministre des affaires étrangères au cours de ce forum : « débloquer des fonds spéciaux destinés à encourager les entreprises chinoises à investir et à développer leurs affaires en Afrique; accroître les exportations africaines vers la Chine selon le principe de priorité sous réserve des offres pareilles, afin d'augmenter les recettes en devises des pays africains; réduire ou annuler des dettes des pays africains vis-à-vis de la Chine et soutenir un développement durable dans ces pays; créer un fonds de mise en valeur des ressources humaines en Afrique en vue de former davantage de personnes qualifiées au service de l'édification sur ce Continent » . Si nous croyons à tous ces partenariats, il y a lieu de penser que l'Afrique tombe enfin dans des bonnes mains. La Chine, en dépit de ses disparités et ses inégalités de vie, elle est comptée actuellement parmi les grandes puissances commerciales du monde. Son économie connaît une croissance soutenue de plus de 6% par an. Sa part dans la croissance du commerce mondial était de 16 % en 2004. Quelle bonne aubaine que de tendre ses bras vers ce pays

2. Les avantages attendus. Ce qu'il faut retenir de particulier dans ce nouveau paysage commercial est le fait que la fin de la guerre froide inaugure la doctrine commerciale dite de Clinton (terrain nivelé). Elle veut dire que l'Afrique cesse d'être la chasse gardée de la francophonie ou de Commonwealth. Les autres puissances tenues à distance commerciale y prennent aussi, et de plus en plus, une part active. Cette phase de multi partenariat répond plus ou moins à une des obligations des observateurs qui, jadis, attribuaient l'échec de la croissance et du développement de l'Afrique à son manque de diversification des partenaires et au maintien des liens commerciaux de dépendance trop étroits avec les ex puissances coloniales. Les promesses et les déclarations que véhicule ce multi partenariat laissent penser que les erreurs commises dans le passée: aide liée au commerce, protectionnisme des marchés, maintien de l'Afrique dans la division internationale du travail traditionnelle, détérioration des termes de l'échange, prix imposés, dépendance politique, etc., vont afin trouver des remèdes. Autrement dit, les espoirs d'un ordre égalitaire s'instaurent avec la libéralisation des échanges et l'entrée en scène des autres pays émergents du Sud, en occurrence la Chine. Ce qui permettrait enfin l'accroissement des bénéfices dus à des possibilités de tirer profit de nouvelles relations fondées sur l'égalité des partenaires.3. Mais la Chine n'invente pas une nouvelle économie libérale. Si nous examinons de près les nouveaux liens de partenariat qui se tissent et s'intensifient, notamment en analysant la structure et la composition des échanges, il se dégage une conclusion qui n'étonne pas, et à laquelle nous nous attendions. La Chine n'invente pas de nouvelles règles d'économie libérale. Elle est, certes, socialiste, mais elle pratique le productivisme de la même manière que les autres pays occidentaux. Autrement dit, il n'existe pas un nouveau modèle des rapports économique entre elle et l'Afrique. Ce continent continue à assumer son rôle traditionnel de fourniture des matières premières et d'importatrice des produits finis. Les termes de l'échange avec la Chine ne s'améliorent pas. Bien que les produits « made in China » soient les moins chers, ils ne sont pas vendus à perte, en dessous des prix des matières premières importés de l'Afrique. Bien sûr, on a noté une hausse ces dernières années, hausse tirée par la demande asiatique, notamment chinoise. Ainsi, Gary K. Busch ose-t-il croire que : « la Chine a l'avantage d'être non européenne, donc plus proche des Africains. Elle n'est pas une ancienne puissance colonisatrice. Elle se distingue donc par son approche. Elle représente un palliatif et une chance énorme de renouveau économique pour les Etats africains ». Certes, le commerce extérieur chinois avec le continent africain a atteint le chiffre de 18,5 milliards en 2003, une augmentation de 50% depuis 2000. En 2004 les chiffres ont été estimés à plus de 7% supérieurs à ceux de 2003, soit près de 20 milliards de dollars. Mais ces chiffres profitent plus à la Chine qu'aux pays africains.Comme nous le soulignons haut, la Chine n'invente pas une nouvelle économie. Elle pratique le capitalisme agressif, recherche des partenaires avec qui elle fait des bénéfices. Elle pratique la compétition commerciale agressive, creuse des déficits des balances de paiement des partenaires, recourt au dumping, ses travailleurs sont sous payés, maintient sa monnaie à un niveau sous évalué par rapport au dollar américain, incitent les firmes publiques exportatrices par ses subventions, investit ses capitaux sur les marchés porteurs. Certes, elle coopère avec plus de 50 pays africains, mais elle pioche dans les sillons des structures économiques entretenues jadis par l'Occident : communication, voies ferrées, routes, bois, construction des barrages, mines du cuivre et de fer, etc., sans innover, ni apporter un savoir faire hautement qualifié. L'industrie de transformation, à mains d'œuvre abondante ne l'intéresse pas. Elle privilégie le secteur primaire, les travaux publics, les services (communication) ; elle n'investit pas dans la production des biens d'équipement ni dans la production locale des produits semi finis, utiles à l'industrie africaine. Son appétit de croissance n'est donc pas différent de celui des autres puissances commerciales occidentale. Les traits dominant de ce partenariat sont le clientélisme, l'exploitation des créneaux porteurs ayant un impact avec le développement interne de la Chine. 4. Seuls quelques pays émergents résistent à cet appétit chinois. Donc, seuls les pays qui disposent des outils de production propres, c'est-à-dire, des pays ayant des unités de production à rendement élevé tirent quelques avantages de ce boom chinois. Les pays dont les industries du temps colonial sont en ruines accusent un recule de leur développement en dépit de la prolifération des partenariats. Ainsi, malgré les aides techniques ponctuelles de la Chine dans tel ou tel secteur, ces économies en déperdition ne réussissent pas à remettre sur les rails. On ne trouvera pas de savonnerie, des biscuiteries, des ateliers des textiles et habillements, des industries chimiques, des champs de cultures pérennes, des raffineries du pétrole ou des chantiers de construction navale et aérienne, tous neufs, aménagés par la Chine pour le soutien de la croissance interne des pays bénéficiaires. Il n'existe aucun camp des ouvriers, aucune nouvelle ville qui a vu le jour, à l'instar de l'effort de développement des colonies. L'occident a donc érigé des cathédrales économiques et des hauts fourneaux là où il n'existait que la brousse et la poussière. Autrement dit, la Chine n'exporte pas son industrie de transformation. Elle n'exporte pas sa nouvelle technologie. Elle greffe son savoir faire sur les créneaux existant et qui sont encore porteur (prise des participations dans des firmes ou exécution des contrat des travaux publics juteux). C'est dire qu'elle intervient là où la nécessité de renforcer les capacités d'exploitation locale des matières premières utiles à son industrie s'impose. Notons que le pays étant dans sa phase de décollage, il un gros importateur des biens d'équipement (+105% pour les appareils de mesure et instruments scientifiques par exemple. Donc, il n'est pas encore fournisseur des produits semi finis destinés à l'industrie, il en par contre un grand demandeur qui attire les firmes délocalisées vers son marché intérieur en vue d'en tirer un grand profit , c'est une vaste chantier des usines occidentales délocalisées et qui sert au montage des pièces détachées. A l'époque de la découverte de l'Afrique, l'Occident a certes, entretenu le même schéma dépendance et de division du travail entre le Nord et le Sud. Mais la Chine n'innove pas. Elle creuse cette liaison en profondeur. Elle contribue à renforcer les mêmes liens de dépendance. Elle n'apporte des capitaux frais que pour entretenir les secteurs liés à son propre commerce extérieur. Ses investissements directs à l'étranger jouent avant tout le rôle de locomotive de ses exportations. Sans doute, il y a un lien direct entre la vente des téléphones mobiles made in China et ses investissements à l'étranger dans la télécommunication. Il y a un lien entre l'électrification au Soudan et les besoins d'importation du pétrole. Il y a un lien entre les super marchés au Lesotho et l'exportation de ses produits finis. Il y a un lien entre l'usine des explosifs en Zambie et les besoins du cuivre en Chine. Il y a également un lien entre la construction du barrage au Soudan et l'importation du pétrole. L'ouverture vers la Chine contribue malheureusement à renforcer la structure traditionnelle du commerce extérieur de l'Afrique noire, l'insérant davantage dans la division classique du travail. Comme nous le disons ci haut, l'Afrique du Sud, le Nigeria, le Gabon, l'Angola (exportateur du pétrole et gaz) sont donc des principaux partenaires. Ainsi, pour des raison d'approvisionnement en énergie, la Chine dont la consommation du pétrole est estimé à 95% de la production total du moyen orient d'ici 2015 garde des liens privilégiés avec le Nigeria, le Soudan, l'Angola, principaux producteurs . Elle lorgne également sur les ressources minières de la Mauritanie et du Congo Kinshasa, pour l'alimentation de son industrie métallurgique. Les données officielles relatives aux importations au cours de l'an 2003 indiquent que les matières premières ou produits à base de matières premières constituent 38% des importations chinoises. Il s'agit des produits agricoles et chimiques, minéraux, minerais et textiles. Les produits les plus dynamiques ont été le pétrole (+55%) et le gaz (+24%) et les produits chimiques. Les biens intermédiaires destinés à l'assemblage constituant 40% de la demande d'importations : composants électroniques (+44%), machines-outils (+40%) et véhicules (+83%), instruments et équipements divers viennent par contre des pays occidentaux, du Japon et de l'Asie du Sud Ets. Comparée à l'Amérique latine, l'Afrique demeure donc l'enfant pauvre du boom chinois. Dans les échanges avec le Sud, quelques pays émergents tirent l'épingle du jeu. Il s'agit de Chili (cuivre) de la Pérou (Cuivre), du Brésil et de l'Argentine. C'est aussi de ces pays que la Chine importe le soja, l'huile de palme, le coton, le zinc, l'étain, etc. Par contre les pays en voie d'industrialisation qui se sont spécialisé ces derniers temps se retrouvent en grande difficulté du fait qu'ils subissent la plus forte concurrence des produits made in Chine. Selon Christian Chavagneux, le pays fabrique 70 % des jouets, 55 % des appareils photos, 29 % des téléviseurs et 24 % des machines à laver vendus dans le monde. Voilà ce qui creuse les déficits commerciaux avec le reste du monde. L'excédent de ce commerce ne profite pas aux Africains. Les matières premières africaines sont achetées au prix bas, fixé par les négociants chinois. Au Congo Kinshasa, la Chine achète les minerais bruts non extraits, sous la forme naturelle de terre. Elle n'amène ni pioche ni pèle ni un bulldozer. La terre fraîche est extraite des carrières par des paysans, des femmes et des écoliers. Ils l'acheminent vers les centres de négoce. Les prix sont déterminés par l'acheteur, en fonction de la teneur en minerais. Ensuite, les camions entiers transportent ces mas de terres vers l'extérieur (Afrique du Sud ) où elles sont traitées dans des usines, à l'insu du gouvernement congolais. Quels sont les minerais qui y sont extraits ? Quel est leur revenu réel ? Que gagnent les négociants chinois ? Personne ne peut répondre. Tout ce que l'on sait est que le paysan abandonne son champ, l'écolier n'étudie plus, l'ouvrier ne travaille qu'à moitié, tout le monde est dans la carrière, à la recherche d'un hypothétique revenu de la vente des terres brutes aux Chinois. 5. Les exportations à bas prix tuent également l'industrie locale. Peut-être, pense-t-on, le fait d'importer des biens finis à des prix réduits, comparativement aux biens produits en Occident serait un avantage pour les Africains. Mais un tel avantage ne peut se mesurer qu'en examinant l'évolution de l'épargne intérieure des ménages et le niveau de leurs consommations. Il peut y avoir un avantage pour des Africains dans la mesure où leurs importations renforcent les capacités locales des industries naissances. C'est-à-dire qu'elles concernent essentiellement des biens d'équipement et des produits intermédiaires. Mais ce n'est pas le cas ! Il est supposé aussi que les coûts faibles des biens made in China permettraient aux ménages africains d'épargner le reste des revenus ou d'augmenter les niveaux de leurs consommations. Or, il s'avère que le niveau des consommations des ménages n'évolue. Deux pays (Afrique du Sud et le Nigeria) totalisent eux seuls, plus de la moitié des importations totales des produits intermédiaires en provenance de la Chine . Donc, en dépit du volume des échanges avec l'Afrique, quelques pays y participent effectivement. Les échanges avec les autres pays restent négligeables. Les grandes zones commerciales de la Chine avec le reste du monde restent constituées par le triangle Europe-Amérique-Asie du Sud Ets d'où la Chine importe ses biens d'équipement . Et même si le souhait serait de voir tous les pays africains participer activement aux échanges avec elle, nous ne pouvons pas ignorer les effets pervers qui en découlent. La Chine est la tueuse des industries locales de ses Elle exporte moins cher, envahit les marchés extérieurs et emporte sur son chemin des usines moins performantes (coûts de production élevés), tuent des milliers d'emploi chez ses partenaires. Ses coûts internes de production très bas constituent une grande arme de sa compétitivité. Au Congo, par exemple, l'industrie textile en a pris les coups. Utexafrica (Congo) a accepté d'être avalée par Cha (groupe chinois). Les Chinois ont ainsi réussi à pénétrer le marché par cette voie, tout en bénéficiant des exonérations sur les taxes et droits d'importation sur les matières premières, les pièces de rechange, les machines, les matériels, équipements et consommables usine, ainsi que quelques avantages sur la consommation énergétique. Cette fusion a sans doute entraîné une perte des milliers d'emplois. Il en est de même pour les autres pays africains. Les importations des textiles en provenance de la Chine menacent toute la filière coton. 6. L'aide technique gracieuse n'endigue pas les périls. La Chine, pense-t-on, aide plus qu'elle ne reçoit. Son bénévolat est beaucoup plus bénéfique que l'aide liée accordée par l'Occident. Etant plus proche du Tiers Monde, elle a un autre regard sur la dette, et elle milite en faveur de la suppression de la dette des pays africains. L'aide au développement accordée à l'Afrique noire est en nette régression. Les Etats-Unis ont diminué leur aide de moitié depuis le début des années 90.Celle-ce est passée de 2 milliards de $ à un milliards. Elle privilégie les accords bilatéraux avec les pays de la zone utile que constitue la côte ouest du continent. Et ses cotisations au sein des organisations internationales accusent des retards. Seul le Japon a augmenté son aide de 792 millions de dollars à 1 milliard de dollars entre 1990 et 1994 . L'aide de l'Union européenne s'est aussi accru aussi sous la Convention de Cotonou de 15 milliards d'euros. Mais, il faut vite dissocier les promesses et les décaissements réels. La pratique démontre que l'aide de l'Union européenne relève des promesses. Les bénéficiaires sont soumis à des contraintes et ne tirent pas grand profit de cette promesse. L'opinion estime à ce sujet que la Chine est un meilleur exemple d'une aide gratuite, désintéressée. Il est vrai, on compte plus de 900 projets d'assistance technique entreprise par la Chine en Afrique. Ces projets couvrent tous les domaines. De 1985 à la fin de 1990, il y a eu 905 techniciens africains formés par la Chine, venus de 46 pays. Ce pays contribue également à alimenter le fonds de développement des ressources humaines, elle alimente le fonds de formation technique (TCDC). Elle accorde des prêts à des taux préférentiels, parfois sans intérêts. Le lendemain du premier forum sino-africain, elle a décidé d'annuler la dette accordée à plus de 31 pays africains pauvres et endettés. Dans deux ans, elle a annulé les prêts de plus de 10, 5 milliards de yuans. Mais si l'on étudie d'une manière isolée ces interventions, on va sans doute se faire une fausse idée des efforts conjugués par toute la communauté internationale en faveur de l'Afrique. En réalité, l'aide de la Chine, bien que désintéressée, elle est de loin inférieure à l'aide que l'Afrique a reçu de ses bailleurs des fonds, tant sur le plan bilatéral que sur le plan multilatérale. Son geste d'annuler ses prêts n'est pas non plus isolé. Il s'inscrit dans le cadre global d'annulation des dettes des pays pauvres, et endettés ; plan conçu au niveau global par la Banque mondiale et le FMI L'opinion ignore que la Chine est restée le plus grand bénéficiaire de l'aide au développement de l'Occident. Elle ignore aussi que l'aide de la Chine ne peut pas se substituer à l'aide bilatérale et multilatérale accordée par d'autres bailleurs. En troisième lieu, l'aide, quelque soit sa forme ne substitue pas à la politique du développement, propre à chaque pays. L'aide Chinoise est aussi liée aux contrats commerciaux. En Ethiopie, pays qui a bénéficié de l'aide militaire de la Chine, les entrepreneurs ont gagné plusieurs marchés publics : contrats de construction des autoroutes, des ponts des stations électriques, des téléphones mobiles (les portables), les écoles et les produits pharmaceutiques, la prospection pétrolière, la construction d'une base militaire et la construction de l'Aéroport d'Addis Abeba. Au Zimbabwe, la Chine y échange aussi armes contre les affaires. En Côte d'Ivoire, la Chine y confond aide et vente d'armes. La construction de la voie ferrée Tanzanie-Zambie avait pour but de faire la jonction entre l'océan et les mines de la Zambie. Au Congo, la Chine y échange aide contre le diamant, le bois, le coltan, le fer et le cuivre.7. Les investissements directs privés ne comblent pas la déprive. En matière des investissements étrangers, trois remarques s'imposent. En général, l'Afrique noire est le moins nantie. Elle accueille moins de 1% des investissements étrangers. Cette tendance qui date des années 90 s'aggrave aujourd'hui. Le taux recule dangereusement au profit de l'Asie du Sud-Ets. Les pays africains qui attirent encore quelques investisseurs étrangers sont ceux qui disposent de ressources pétrolières. En dehors de ces cas, seule l'Afrique du Sud reste le terrain de prédilection des investissements non miniers. Les Etats-Unis, la France et la Grande Bretagne demeurent les premiers investisseurs. Le rapport du département du commerce indique à ce sujet que : « Les investissements américains, de portefeuille étrangers en Afrique subsaharienne se sont montés à 700 millions de dollars en 2002, inversant la tendance à la sortie de capitaux qui a atteint un milliard de dollars en 2001. Comme ce fut le cas les années précédentes, c'est l'Afrique du Sud qui a bénéficié de presque tous ces investissements en 2002. Les investissements directs nets des Etats-Unis en Afrique se sont élevés à 861 millions de dollars en 2002, soit moins de 1 % du total des investissements directs américains à l'étranger. Ce sont le Nigeria et l'Afrique du Sud qui ont attiré le plus d'investissements américains, soit respectivement 992 millions de dollars et 112 millions de dollars. Ces investissements étrangers ont été tempérés par les sorties de capitaux d'autres pays africains qui ont totalisé 174 millions de dollars » . La Chine ne fait pas exception. Le volume de ses investissements directs en Afrique reste dans les mêmes proportions que celui des autres puissances industrielles. Le pétrole et les travaux publics sont les deux domaines prioritaires. Alors qu'en 2002, on compte plus ou moins 6 758 entreprises chinoises à l'étranger avec un investissement total de 13,2 milliards de dollars dont 8,9 milliards de dollars de capitaux chinois, l'Afrique n'a reçu durant 4 années que 1,2 milliard de $, soit 1% reparti dans 49 pays . Par ailleurs, si l'on comparer la somme des capitaux étrangers que la Chine attire de l'étranger, les tendances sont nettement en sa faveur. En 2004, il est noté que les investissements directs étrangers drainés par la Chine ont augmenté de 60,63 milliards de dollars, soit 13 % de plus que l'année précédente. Le rapatriement de capitaux étrangers se chiffrait à 5,694 milliards de dollars et l'afflux net des investissements en Chine à 54,936 milliards de dollars. Par ailleurs, bien que présents dans plus de 50 pays africains, les investissements chinois sont orientés vers les mines et les communications. C'est donc l'Amérique latine (pays émergents) qui sont par contre les premiers bénéficiaires des ses capitaux.

II. Pourquoi ces partenariats ne sont que de mirages ?
1. L'éternelle maladie de manque de diversification sectorielle Plusieurs raisons sont évoquées pour expliquer les dérives socio économiques de l'Afrique. Philippe Hugon se posait, il y a quelque temps la question de savoir pourquoi, la stagnation des économies africaines ? Il y a, disait-il, une concomitance entre la marginalisation extérieure, le maintien de la structure sectorielle de la production et de la spécialisation internationale, la stagnation économique, la faiblesse des États au delà d'un discours volontariste et la très faible intensité des relations régionales du moins officielles. Il a évoqué quelques hypothèses. La stagnation économique (a) serait-elle liée à des "mauvaises" politiques économique et au rôle de l'état (b), a-t-elle conduit à une absence de diversification des économies (c) dont il est résulté une faible ouverture extérieure (d) et une faible intégration régionale (e) ? Ou bien au contraire, la "mauvaise" spécialisation issue de la colonisation (a'), liée à l'érosion des préférences et au retrait européen (b') et à une absence de maîtrise de l'ouverture extérieure (c') ont-ils conduit à une stagnation marginalisante (d') et à une régionalisation avortée(e') ? Si l'on peut se faire une image défaitiste,, on peut se référer à ce constat l'Alain Dubresson, Jean-Yves Marchal et Jean-Pierre Raison, dans leur ouvrage de Géographie Universelle.: « Les États africains sont comme l'économie : en crise et désemparés. Les services et les infrastructures sont dégradées ; la fonction publique mal payée et donc gangrenée par la corruption. Inégalité entre les régions, insécurité dans les villes, abandons de projets agricoles et industriels : la seule solution trouvée par les États est la privatisation à outrance mais les usines ne trouvent pas preneur. Une société de subsistance s'organise ou une contre-société de trafics qui enfante ses gagnants et ses perdants. L'état se prive ainsi de ressources fiscales et douanières ». Les réponses de ces dérives sont dans toutes ces hypothèses. Examinons quelques unes en commençant par la plus importante et qui concerne presque toute l'Afrique noire. La tendance démontre que les pays africains, riches en ressources minières absorbent 90% des échanges et reçoivent également le gros des investissements directs. Ceci signifie que l'Afrique reste le pourvoyeur des ressources minières. C'est sa spécialisation internationale. Elle reste absente dans d'autres domaines. Son économie ne s'intègre pas dans la nouvelle économie du savoir. Elle est forcée, dans le contexte de globalisation, d'élargir le partenariat, en s'ouvrant au reste du monde industrialisé, mais il s'agit d'une diversification des directions, sans diversifier ni les flux des échanges, ni les produits finis. Cette pénurie est due à l'absence de maîtrise des techniques de production locale des produits finis. Elle est due aussi au fait que les politiques d'industrialisation actuelles ne diffèrent pas de celles d'il y a 20 ans. La stratégie de l'industrie industrialisante qui a échouée durant les années 70-80 reste toujours prisée. Les raisons de ce choix sont liées à l'idée selon laquelle, le commerce extérieur génère les revenus. Etant donné que les besoins en ressources minières restent importants dans le monde, l'Afrique croit pouvoir tirer avantage de ses exportations des minerais. Mais ni les anciens partenaires, ni les nouveaux, personnes n'a changé les règles qui président l'offre et la demande des ressources minières. Les prix restent fixés par l'extérieur. Les mécanismes de stabilisation (stabex et sysmin) qui ont été mis en route n'ont pas donné des fruits. Ce qui suppose que l'ouverture des échanges vers les nouveaux partenaires s'inscrit dans la pérennité du principe ancien de division du travail. Les nouveaux partenaires n'apportent, non plus, des capitaux importants. Au vu de la tendance des investissements directs étrangers, on peut noter que la part reçue par l'Afrique, qu'elle soit multilatérale ou bilatérale a été plus importante que celle qu'elle reçoit aujourd'hui. La fin des relations privilégiées fait perdre aussi à certains pays, les avantages des accords spécifiques liés aux anciens liens coloniaux. La France par exemple se désengage de la Côte D'ivoire, ancien principal partenaire. De même, la Belgique n'apporte plus un intérêt particulier au Congo Kinshasa. Or, les nouveaux partenaires ne comblent pas ce vide. Ils agissent dans le même sens que les partenaires traditionnels qui, du pacte colonial, ont conclu des accords de dépendance économique avec les anciennes colonies. Ainsi, peut-on constater que les nouveaux partenaires pratiquent la même logique, ils ouvrent leurs marchés aux importations de l'Afrique, accroissent les déficits des balances commerciales des Africains et investissent là dans des secteurs miniers, sans sentiment historique, ni idée de liens spécifiques avec tel ou tel autre partenaire. Quelques pays tentent de sortir de cette monoproduction. Il s'agit du Sénégal (exportation des légumes), de l'Ile Maurice (crevettes, fleurs, légumes) du Kenya, de l'Ethiopie et du Kenya. Comme on peut le constater, il s'agit des petits pays, sans ressources minières et qui tentent de gagner le pari, en misant sur des produits agricoles. 2. Le faible niveau des marchés intérieurs.Le fait que l'Afrique du Sud reste le partenaire essentiel de la zone Asie indique également que la Chine pratique l'adage de : « trade, note aide ». C'est-à-dire qu'ils s'intéressent aux marchés porteurs. Or à croire aux statistiques de la Banque mondiale, le reste de l'Afrique sub-saharienne s'enfonce dans la sa descente en enfer. Bien que son BNP puisse probablement connaître une croissance au cours des années prochaines, le nombre des pauvres va par contre s'accroître. C'est-à-dire que le nombre des personnes vivant avec moins de 1$ par jour ne chutera pas, bien au contraire, il passera de 313 millions en 2001 à 340 millions en 2015 . Dans ces contextes, les pays asiatiques qui misent sur la croissance des exportations orientent leurs échanges davantage vers le triangle asiatique des « dragons », vers l'Unions européenne, vers les pays émergents de l'Amérique latine et vers l'Amérique du nord. Entre les deux géants de l'Asie, les échanges commerciaux (sino-japonais) sont de l'ordre des 178 milliards de dollars par année. Le continent noire représente moins de 2% du commerce total asiatique . L'Afrique au sud du Sahara reste donc aux yeux des Asiatiques, un monde « en devenir », composé des zones inutiles et des zones utiles, mais qui est suivi de près. La libéralisation des échanges et le faible degré de pénétration des stratégies compétitives de l'Afrique annulent toute éventualité des conflits commerciaux entre les deux régions. Les stratèges chinois et japonais n'ont pas une crainte. Ils ne conseillent nullement l'anticipation de conduite, destinée à se faire des espaces commerciaux exclusifs en Afrique noire. Ils savent qu'ils ne peuvent, non plus, combler les vides dus aux replis européens. Ils ne vont pas ériger en Afrique des usines gigantesques de production des minerais, à l'image des industries coloniales qui sont en ruine. Leurs méthodes consistent à ériger de petites unités flexibles de production et à accorder la préférence à la nouvelle forme d'exploitation artisanale des minerais par des paysans qui creusent à la main et revendent les terres exportables directement vers les centre des trilles (Afrique du Sud, Chine, Corée). C'est le cas qui se passe actuellement au Katanga (Congo).

3. Une aide au développement séculaire, mais sans conséquences positives On ne saurait compter la somme des aides que les pays africains ont eu depuis les décennies. Les statistiques réalisées par nombreux auteurs se résument en ceci. « Depuis 50 ans, on observe une relation négative entre la valeur de l'aide internationale reçue par un pays et son taux de croissance. Nous l'avons aussi testé et nos résultats corroborent ce constat . Dans les années 90, de tous les pays qui ont reçu de l'aide, on en compte autant qui ont connu une croissance négative que positive. De 1970 à 1999, 17 pays du sub-Sahara ont reçu plus de 100 milliards d'assistance de la Banque Mondiale. Et pourtant leur PNB/habitant y a diminué. En 50 ans, les Américains ont donné 500 milliards $ aux pays pauvres, sans qu'on observe de progrès du niveau de vie; nombre de ces pays ont connu une baisse de leur revenu par habitant. De 1987 à 1998, l'incidence de la pauvreté s'est accrue en Afrique. La moitié de la population y gagne moins d'un dollar par jour; le taux de mortalité infantile s'inscrit à un sur sept. En contrepartie, de 1980 à 1990, la Chine et l'Inde n'ont bénéficié que d'une infime portion d'aide internationale, 4% et 7% de leur PIB respectif. Ça ne les a pas empêché de jouir d'un taux de croissance fulgurant de leur économie ». Cette analyse de Jean Luc Mugué mérite une particulière attention. Elle offre la preuve de la dérive de l'aide. Les leçons données aux Africains par les bailleurs des fonds constituent aujourd'hui une pille des cours que l'on enseigne, on commente, sans toutefois toucher sur le bouton qui ouvre sur les causes réelles des échecs des politiques de l'aide. Les donneurs se donnent la conscience tranquille d'avoir tout fait pour tirer les pauvres vers le haut de l'échelle. Mais les pauvres disent que l'aide était liée. Si nous revisitons les causes, nous pouvons en énumérer plusieurs. Les aides ont ici et là généré les revenues monétaires. Elles ont aussi ici et là soutenu la croissance. Mais celle-ci a été sporadique. L'épargne (s'il y en a eu) a été très mal mobilisée. Dans nombreux cas, elle a été réinvestie dans des secteurs non porteurs. Une grande partie a été affectée au service de la dette. Les chiffres qu'on ne peut plus nier aujourd'hui démontre que certains pays ont été obligés d'affecter plus de 40% de dépenses annuelles au remboursement des prêts. Donc les revenues des exportations des minerais ont servi davantage à entretenir les économies des donneurs de l'aide. Par ailleurs, la détérioration des termes de l'échange n'est plus à redire. Elle a affecté nombreux exportateurs des matières premières. Les revenus générés par le commerce ont été absorbés par les prix élevés des biens importés, par le remboursement de la dette, par les dépenses politiques de prestiges, par les détournements et par la corruption. Pr. Blaise Sary Ngoyi
Antwerpen, 26.04.2005

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